Souvenirs d’une mission ESF par Dominique C., médecin généraliste.

VECU D’UNE MISSION AVEC ESF (mars 2016)

C’était ma 3ème mission médico-dentaire au Maroc avec ESF. Elle se déroulait au sud de l’Atlas, dans un gros bourg entouré d’une couronne de douars, au bout de la route goudronnée. Au total, une dizaine de milliers d’habitants, population réputée difficile. Appréhension. Serai-je à la hauteur ?

Hébergement sommaire, sanitaires couleur locale. A peine arrivés, il a fallu sortir le matériel de consultation et se mettre au travail.

Sans appareil photo, je garde en mémoire des images fortes, comme un pêle-mêle.

Le petit bureau dans lequel j’ai officié une semaine. La table d’examen avait fait le déplacement depuis La Ferrière. Très vite les rubans de papier-mouches installés par la logistique se sont couverts d’insectes.

Cet étudiant, qui assura avec une constance méritoire sa fonction d’interprète, et qui à la fin me remercia de lui avoir « appris plein de choses ». Il s’étonnait qu’on vienne ainsi travailler gratuitement et en finançant notre voyage.

Ce jeune garçon avec un prurigo ancien, caricatural. Ses socquettes étaient littéralement collées sur les jambes par les sérosités provoquées par le grattage. Pour cacher la misère, il  en avait mis une deuxième paire par-dessus !

Aussi, je repense à cet homme d’une cinquantaine d’années, amené à la consultation en état d’œdème aigu du poumon  sur insuffisance cardiaque terminale. Malgré l’injection intraveineuse, il décèdera dans l’ambulance.

Ces cris de nouveau-né dans le bâtiment d’à côté. La vie continue…

Les bénévoles de l’association locale qui, au milieu de  la matinée et de l’après–midi, nous apportaient gentiment un verre de thé et quelques biscuits.

Ce beau visage de femme berbère, avec des yeux très noirs. Elle avait 23 ans et portait déjà son  2ème enfant emmailloté sur le dos.

Cet homme qui surmonta sa pudeur pour baisser son pantalon et me montrer la tuméfaction qu’il avait à l’aine : simplement une hernie qui l’inquiétait bien !

Cet autre, qui osa aborder avec un toubib étranger, ses difficultés d’érection. Ou celui qui, par interprète interposé, me parla de ses difficultés à mettre sa femme enceinte. Tout au moins, c’est ce que j’ai compris !

Toutes ces bouches plus ou moins édentées, habitées par des chicots, ces gencives tuméfiées par le tartre et la plaque dentaire… Autant de catastrophes sanitaires individuelles.

Les tajines appétissants, servies au milieu de la table ronde, dans laquelle chacun se sert directement. Quel moment convivial partagé avec les marocains!

Ces femmes, toutes de noir vêtues, le visage voilé, agglutinées à l’entrée du dispensaire en attendant le début des consultations. Elles viennent toutes pour les mêmes plaintes : mal à la tête, mal à l’estomac, mal au dos. Ce qui les intéresse, c’est moins un diagnostic que la délivrance de comprimés ! Sous médicalisées, mais hyper consommatrices de pilules miracles.

La réception dans la famille de l’instituteur, l’intellectuel du village. Sa femme avait préparé de délicieuses pâtisseries. Puis avec un plaisir certain, il nous fit traverser la palmeraie au bord de l’oued, les petits jardins et leurs canaux d’irrigation. La nuit était tombée quand nous avons pris congé.

Cette grosse rate, découverte presque miraculeusement le dernier jour, sous un millefeuille de collants et de jupes multicolores. Un petit bonheur qui fait oublier la répétition et la banalité des motifs de consultation.

Pour finir, la journée d’attente à l’aéroport de Casablanca, pour cause de grève des contrôleurs aériens français. Retour dans notre monde riche, mais qui en veut toujours plus !

Une mission ordinaire, devenue extraordinaire par la magie des rencontres et du hasard, l’écoute, la patience, la curiosité.

Que de merveilleux souvenirs. Merci ESF. Vivement l’année prochaine !

Dominique  C